De mémoire d'Archives - La belle histoire des Parfumeries de Seillans
Pour cette nouvelle rubrique, c'est dans le sillage odorant des anciennes Parfumeries de Seillans que nous vous emmenons.
Nées au 19e siècle de l’ingéniosité et de l’esprit visionnaire comme philantropique d’une femme, la vicomtesse Jeanne de Savigny de Moncorps, elles firent la renommée de ce village perché durant de nombreuses années.
Dans nos fonds d’archives privées se trouvent trois " livres d'or " compilés par la vicomtesse Jeanne de Savigny de Moncorps (cotes 1J850 - 1J851 - 1J852).
Les commentaires, ravis et élogieux des clients et visiteurs de la parfumerie, les photographies, les coupures de presse, et la correspondance rassemblés dans ces registres nous éclairent sur la fabrique du parfum, la cueillette des fleurs et la vie de la vicomtesse de Savigny.
Un véritable voyage olfactif dévoilant la délicatesse et la beauté d’une correspondance aujourd’hui disparue.
Sur ce dernier point, un registre de correspondance avec Alphonse Karr a également été numérisé ; un document émouvant qui mérite que l’on s’y penche.
Vous pouvez consulter ces registres en ligne dans les Archives numérisées et les inventaires (Fonds des Archives privées) en tapant le lieu "Seillans" dans la barre de recherche.
C'est l'histoire de Charlotte-Jeanne-Marie de Villers-la-Faye, Vicomtesse de Savigny
de Moncorps, (1848-1932), qui, le 11 mai 1874 épousa le Marquis de Rostaing originaire de Seillans dont la famille possédait le château de Neisson.
Femme très appréciée, altruiste et généreuse elle partage sa vie entre le domaine de Neisson, dont elle apprécie le calme et la vie à la campagne, et sa résidence secondaire à Saint-Raphaël où elle côtoie des personnalités comme Victoria d’Angleterre, Guy de Maupassant ou Alphonse Kar.
Animée par sa nature philanthropique, elle décide, en 1881, de consacrer ses terres de Neisson à la culture florale afin de redonner à Seillans, frappée par la crise agricole et l’épidémie de choléra, sa renommée et son dynamisme perdus.
S’entourant alors des meilleurs ingénieurs et usant des meilleurs moyens techniques, la vicomtesse lance en 1881 de grands travaux sur ses hectares de terre (terrassements fertilisation…). Quelques mois plus tard, mettant à profit le ruisseau Neisson, elle y fait construire un réseau d’irrigation à ciel ouvert qui lui vaudra d’être décorée du Mérite Agricole.
Ce sont ensuite des milliers de plants de jasmin, violette, rosier, lavande qui orneront ces terres créant alors un immense jardin de fleurs.
La première cueillette a lieu en 1883 et fut vendue à l’entreprise Chiris, renommée à Grasse pour la création de composants pour parfums et produits cosmétiques.
Les années se suivent avec de bonnes récoltes et la vicomtesse développe son entreprise les Parfumeries de Seillans, avec la construction de nouveaux bâtiments destinés à la transformation des fleurs, la création de parfums et de nouvelles gammes de produits dérivés (crèmes de beauté, poudres parfumées…).
Après le décès de son mari, le Marquis de Rostaing, en 1886, Jeanne continue à faire tourner les Parfumeries de Seillans et à s'adapter aux nouvelles technologies avec toute son énergie et ingéniosité.
En 1888 elle épouse le vicomte de Savigny qui l’accompagne dans cette aventure : expositions, où elle se rend elle-même pour faire connaître ses produits, publicité, chemins de fer pour assurer ses livraisons, Jeanne use de toutes les techniques modernes et les Parfumeries de Seillans connaissent un véritable essor et une renommée internationale.
Auréolée de cette reconnaissance, elle reçoit une médaille de bronze à l'Exposition Universelle de 1889.
De nombreux prix lui ont été décernés comme entre autres, les titres de Chevalier, Officier et Commandeur du Mérite Agricole pour son système d’irrigation à ciel ouvert innovant.
Cependant, l'aube de la Première Guerre mondiale vient ralentir l'activité de ses parfumeries. Jeanne n’ayant pas perdu son esprit bienveillant et altruiste transforme alors l’extension de sa parfumerie en hôpital de guerre permettant de recevoir 50 blessés auprès desquels elle se dévoue.
En 1915 son mari, le vicomte de Savigny, décède et elle ne peut continuer à gérer son petit hôpital de guerre ; c’est donc à l’hôpital militaire de Boulouris, où elle est devenue infirmière-major, qu’elle a continué à oeuvrer auprès des blessés, jusqu’en 1919. Pour cette action elle reçut en 1921 la médaille de la « Reconnaissance de la Nation Française ».
« Les Parfumeries de Seillans” n'ayant plus été rentables durant la guerre, elle vendit l’usine à son ami Eugène Feigel et demeura jusqu’à sa mort, le 12 décembre 1932, sur ses terres de Neisson où elle a continué à aider les habitants de Seillans marqués par le souvenir de cette belle personne.
Les Parfumeries de Seillans ont été vendues plusieurs fois pour fermer définitivement en juillet 2010.
Aujourd’hui les bâtiments sont devenus une résidence d’artistes.