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De mémoires d'Archives - Décembre 1851, le peuple se soulève pour sauver la République

Louis Napoléon Bonaparte

Le Var en révolte

Élu président de la République en décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte (ci-contre) ne peut pas, au vu de la constitution, se représenter en 1852 pour un second mandat. Afin de se maintenir au pouvoir, il organise le 2 décembre 1851, un coup d'État, en décrétant notamment la dissolution de l’Assemblée nationale.
Dès lors se constitue à Paris un comité de résistance comprenant, entre autres, Victor Hugo, Victor Schœlcher, Michel de Bourges et Hippolyte Carnot, qui décide d’appeler la population à se soulever.

Si, à Paris, les insurgés, peu nombreux sont vite écrasés, c’est dans les zones rurales de certains départements, en particulier en Bourgogne et en Provence (Basses-Alpes, Drôme, Var intérieur, Vaucluse…) que la révolte est massive et que des républicains s'opposent à ce coup de force pour défendre la loi et la République.

Dans le Var, c’est le 4 décembre que la nouvelle parvient, provoquant une émotion considérable et entraînant, dès le soir même, des insurrections violentes.
Les insurgés organisent la défense et établissent des commissions de résistance dans plusieurs communes (Le Luc, Vidauban, La Garde-Freinet, Toulon, Fréjus…).
Des rassemblements ont lieu à Draguignan et à Toulon, où le nouveau préfet Pastureau est arrivé le 2 décembre. Le dispositif militaire se renforce, les républicains sont impuissants et les premières arrestations ont lieu.
A Draguignan, les insurgés multiplient les émeutes.
Le vendredi 5 décembre, presque toutes les communes de l’arrondissement de Brignoles, de Draguignan et de Toulon se soulèvent. Les insurgés projettent de marcher sur Draguignan pour prendre la préfecture.
Certaines municipalités sont renversées et remplacées par des commissions municipales insurrectionnelles.

Une soixantaine de prisonniers sont faits à La Garde-Freinet, au Luc, aux Arcs, à Lorgues, à Toulon.
L’armée constitue une colonne expéditionnaire vers Draguignan, menée par le colonel Trauers et le préfet Pastoureau qui veut rétablir l’ordre et pourchasser les insurgés. Elle arrive le 9 décembre au chef-lieu, après avoir procédé à nombre d’arrestations et le 10 la colonne repart pour Aups afin d’arrêter les troupes républicaines.
Dès le soir du 5 décembre, l’insurrection est vaincue dans les arrondissements de Toulon et de Grasse. La révolte a été rapidement réprimée par les troupes impériales.

L'autorité de Louis-Napoléon Bonaparte a été rapidement rétablie dans le département et la répression d’une ampleur sans précédent en province fut sévère : arrestation, exécutions… Le pouvoir exécutif usa illégalement tous les pouvoirs pour écraser les forces d’opposition.
L'insurrection se solde par l’arrestation de 3 147 varois, condamnés à des peines diverses dont la transportation en Algérie.
Des commissions mixtes sont créées pour juger et décider de la condamnation des insurgés, suivant le degré de culpabilité, les antécédents politiques et privés, la position des familles des inculpés.

Neuf catégories de décisions sont prononcées : Renvoi en Conseil de guerre - Transport à Cayenne - Transport en Algérie - Expulsion - Éloignement - Internement - Renvoi en correctionnelle - Liberté sous surveillance - Mise en liberté.
Trente ans plus tard, en 1881, la loi de réparation nationale du 30 juillet sera établie pour indemniser les victimes de l’insurrection de 1851.

La révolte du Var, bien qu'écrasée, fait partie de ces nombreux épisodes qui illustrent la fracture politique et sociale de l'époque, entre un pouvoir central fort et des aspirations républicaines locales. Cette insurrection montre également l’engagement de la population varoise dans les débats politiques et dans les luttes pour la liberté et les droits civiques.

Les Archives départementales du Var conservent des traces de ces événements sous forme de documents administratifs, de rapports de police et de témoignages, permettant ainsi de préserver la mémoire de ce moment clé de l’histoire de notre territoire. L’essentiel de ces documents se trouve dans les archives de la Préfecture, plus précisément dans la sous-série 1 M.

Des témoignages sont également conservés dans les archives privées, notamment le journal du jeune vermicellier Joseph Maurel qui a participé aux événements de 1851 (1 J 725, ci-contre). Ce témoignage exceptionnel a été acquis par les Archives départementales du Var en 2015.

Deux autres documents sont présentés ci-dessous : un extrait du registre nominatif des individus compromis dans l'insurrection ( 1 M 176) et une directive du ministre de l’Intérieur, datée du 14 décembre 1851, transmise par courrier aux préfets, pour application de mesures rigoureuses visant à “désorganiser l’anarchie” (1 M 176).

Pour aller plus loin, quelques recommandations de lecture :
Agulhon Maurice, 1848 ou l’apprentissage de la République, 1848-1852, Paris, Le Seuil, Nouvelle Histoire de la France Contemporaine, tome VII, 1973 (BIB 10215).
Lagoueyte Patrick, Le coup d'État du 2 décembre 1851, Paris, CNRS Éditions, 2016 (BIB 26573).
Bellenfant Michel, Le coup d’état du 2 décembre 1851 dans le Var, CRDP Nice, 1978 (BIB 24485).
Letrait Jean-Jacques, L’insurrection dans le Var en 1851, Bulletin de la Société d’Études de Draguignan, nouvelle série, tome 12, 1967, pp. 74-88 (12 PER 58).
Negrel Frédéric (éd.), Mes mémoires sur les événements de 1851 à Aups et neuf mois de captivité, Joseph Maurel (vermicellier), Les Mées, Association 1851, 2016 (BIB 26353)

Ces ouvrages sont conservés dans la bibliothèque des Archives départementales du Var

ADV_1J725_Extrait journal Joseph Maurel ADV_1M176_Dépêche télégraphiée de Paris ADV_1M176_Etat nominatif individus compromis